KANTÏK OPERA III
Représentations
Les jeunes actrices qui m’entourent vivent sur scène et sur le plateau une expérience vraie, forte, grande, sans complaisance. Elles entrent dans une technique de travail, une rigueur de vie qui les met en permanence face à leurs propres choix. Il faut assumer devant la famille, le social, les amis, les amours et surtout ses propres rêves... Alors pour certaines c’est la fuite. On reconstruit une nouvelle équipe. On repart à zéro. Après une audition plus poussée que la première, il reste quatre personnes dans le choeur et une nouvelle Sulamite. Le texte ne change pas, les personnalités oui... Moins fraîches que les premières, moins siamoises, elles ont des caractères différents, affirmés, ambigus, monstrueux. L’actrice principale est une novice. Il faut corriger tous les défauts, les préjugés. Le travail est double. Une nouvelle scénographie s’impose...
La pièce devient plus puissante, plus orale, plus vocale. On avance vers l’opéra moderne. Les interactions sur le plateau se multiplient.
Le choeur reprend en écho, dit, chante, chuchote les textes de la Sulamite, du Berger et de Salomon. Il les accompagne en dessinant des chorégraphies au sol. Vivant du début jusqu’à la fin, il devient magmatique, chaotique, pulsionnel, fusionnel... La Sulamite et le Berger se rencontrent, se touchent. Salomon joue avec le choeur. Le rapport à la scène est toujours face public mais le plateau bouge, tremble. Il n’y a pas d’arrêt, de pause, tout reste perpétuellement en mouvement.
Le piano est remplacé par la contrebasse et la harpe par le saxophone. La contrebasse accompagne suspend parfois le texte par ses silence. Classique, ou jazzy, elle atténue le côté solennel du choeur et les plonge dans un univers déglingué. Avec ce grain de folie elle porte encore plus haut le langage déstructuré de Salomon. Le saxo intervient par petites touches de douceur sur les amoureux et les entoure de volupté mélancolique. Au trois moments forts de la pièce (début, milieu et fin), il y a des incursions du Requiem de Mozart et sur les applaudissements un morceau de Marylin Manson.
Un mobile avec trois miroirs est placé côté cours et un tissu argenté est suspendu côté jardin. Des grosses bougies argentées sont posées devant scène. Des sons d’oiseaux et d’animaux marins nous accompagnent. Des statuettes africaines en forme de pirogues portent des encens et du papier d’arménie.
Une fois de plus, la costumière privilégie l’unité du groupe pour le choeur. Nous avons la volonté d’en faire un ensemble homogène et plurielle. Il est habillé avec des vêtements moulants et couvrants noirs. Seuls leurs mains et pieds sont visibles. Leurs visages sont peints en blanc opaques comme un maquillage de clown. Les cheveux sont tirés en arrière. Ils ressemblent à des pantins désarticulés.